Prenez une pause dans votre grand nettoyage post-réveillon et intéressons-nous ensemble aux traditions du Nouvel an en Allemagne.
Bonne glissade à tout-e-s !
En Allemagne comme aux quatre coins du globe, le passage à la nouvelle année est dignement fêté, à grands renforts de boissons à bulle et de cotillon, lors du réveillon du 31 décembre communément appelé Silvester. La Saint-Sylvestre perd son y et son gui, mais gagne en dynamisme ! On se souhaite ainsi un Guten Rutsch ins neue Jahr, une « bonne glissade dans la nouvelle année ». L’origine de cette expression est controversée : le mot Rutsch, dérivé du mot Rutsche (luge), qui se serait progressivement établi pour désigner un voyage ou un trajet, d’abord réel puis symbolique ? Ou bien l’expression yiddish Roch Hachana, la fête juive célébrant la nouvelle année civile du calendrier hébreu ? Il ne semble pas réellement possible d’identifier avec certitude la date d’apparition et l’origine de ce souhait de nouvelle année. Toutefois, des recherches récentes ont permis de montrer que l’émergence de la carte postale au début du 20e siècle aurait contribué à la propagation de ce qui ne serait ni plus ni moins qu’une sorte de slogan rapidement passé dans l’usage commun. Une expression populaire le serait donc devenue en grande partie grâce à son médium – une évolution linguistique intéressante à l’heure des réseaux sociaux et de leur slang tombant peu à peu dans la langue d’usage…
Ne prenez donc pas offense si l’on vous souhaite une bonne glissade !
Hormis cette expression propre à la langue de Goethe, voici quelques traditions de réveillon bien ancrées dans la culture allemande ne manquant pas de surprendre les novices.
Que vous réserve l’avenir ?
Sous quels auspices la nouvelle année sera-t-elle placée ? Rien de plus facile pour le découvrir : le Bleigießen (littéralement, couler le plomb) est une vieille coutume pour tirer les oracles. Elle consiste à faire fondre une petite figurine de plomb dans une cuillère puis à jeter soudainement la matière liquide dans un récipient d’eau. A vous d’identifier la forme prise par le plomb durci et d’interpréter ce qu’elle vous révèle pour la nouvelle année. En cas d’imagination défectueuse, de petits kits avec notice explicative des formes sont commercialisés partout. Le Bleigießen donne toujours lieu à de vives discussions entre convives. Cette enveloppe ne serait-elle pas plutôt un portefeuille ? Et cette plume un serpent ? Attention, ne prenez pas la chose à la légère, il en va de votre destin pour la nouvelle année ! Et une fois n’est pas coutume, le terme allemand paraît presque plus simple que le terme français, qui n’est autre que molybdomancie (prétendre qu’on connaissait cette traduction avant d’écrire l’article serait mal mentir…).
Prost ! Mais qu’est-ce qu’on boit ?
A Silvester, on trinque évidemment avec des bulles : champagne ou mousseux (Sekt), peu importe le flacon, pourvu qu’on ait…
Mais vous aurez peut-être aussi l’occasion de goûter une boisson plus spécifique, à la technique de préparation spectaculaire : la Feuerzangenbowle, un punch à base de vin rouge contenant toutes sortes d’épices et des fruits (oranges, citrons, clous de girofle, cannelle…). Un pain de sucre arrosé de rhum est ensuite flambé au-dessus du mélange, dégageant de jolies flammes bleues et roses. On le savoure accompagné par exemple de pain d’épices. Aux douze coups de minuit, il est également d’usage de déguster un Pfannkuchen, petit beignet fourré à la confiture ou la compote.
Le bouquet final
Ainsi réchauffés, les convives sont prêts à saluer dignement la nouvelle année avec force pétarades. Initialement, le feu d’artifice du Réveillon permettait symboliquement de chasser les mauvais esprits. Les feux d’artifice vous laissent de marbre ou ne vous divertissent que modérément ? Oubliez tout ce que vous avez déjà pu voir et entendre en la matière. Si en France, il est interdit aux particuliers d’allumer des fusées et pétards sur la voie publique, ce n’est pas le cas en Allemagne. Et petits et grands s’en donnent à cœur joie, au-delà des célébrations officielles ! Le Nouvel An allemand est bruyant et coloré, et les mots ne suffisent sans doute pas à rendre compte de la dimension à la fois féérique et infernale du spectacle. Les premières minutes de l’année sont marquées par un fracas assourdissant et une fumée âcre. Pour lutter contre les excès, la législation allemande n’autorise désormais la vente de fusées, pétards et feux d’artifices qu’à partir du 29 décembre de chaque année. La surenchère pousse les Allemands à s’approvisionner chez leurs voisins tchèques ou polonais, fournisseurs de munitions en pratique pas toujours homologuées pour le marché commun européen. Quoi qu’il en soit, rares (ou cardiaques) sont ceux qui ne consacrent pas au moins un petit pécule à leur artillerie de réveillon.
Le feuilleton du Réveillon
Pour se remettre de ses émotions, rien de tel qu’un petit rite immuable depuis les années 60. Au Nouvel An, la télévision allemande diffuse Dinner for one, un court-métrage d’une vingtaine de minutes diffusé entièrement en en noir et blanc et en anglais. On y assiste au repas d’anniversaire de Miss Sophie, une aristocrate anglaise qui fête ses 90 ans en compagnie de tous ses amis de longue date… hélas tous décédés. Son majordome doit donc se substituer à tous les invités (et boire à leur place !). Les Allemands se délectent chaque année de ce petit film culte. La célèbre réplique « The same procedure as every year, James! » et les péripéties du majordome avec le tapis en peau de tigre sont connues de tout-e-s. Karambolage, l’émission d’Arte, vous en parle ici.
Meilleurs voeux et beaucoup de cochon !
Au premier de l’An, il est de coutume de s’offrir de petits objets porte-bonheurs. Au rayon des motifs les plus prisés : le fer à cheval ou le trèfle à quatre feuilles, mais aussi la coccinelle, le ramoneur ou le cochon en pâtes d’amande. On souhaite d’ailleurs Viel Schwein (Beaucoup de cochon !) à quelqu’un pour lui porter chance !
Ainsi paré-e-s pour la nouvelle année, aucune chance qu’elle soit mauvaise !
Image : Glissade sur la terrasse Dufferin à Québec près du Château Frontenac (entre 1900 et 1925). Source: U.S. Library of Congress.
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