Vous ne savez pas parler allemand ? Peu importe, le français peut parfois suffire, dix exemples à l’appui.
Quand les mots traversent les frontières et les époques
De nombreux idiomes allemands trouvent leur origine dans la langue française. Ils sont utilisés outre-Rhin depuis parfois plusieurs siècles. Mais comment les mots ont-ils pu voyager de la sorte, avant même les échanges linguistiques et le programme Erasmus ? Le phénomène est multiple.
La langue française, réputée noble, est parlée dans les cours européennes dès le Moyen-Âge et s’est longtemps imposée comme langue diplomatique et éducative. On relate volontiers les propos du facétieux empereur Charles Quint (16e siècle) : « Je parle espagnol à Dieu, italien aux femmes, français aux hommes et allemand à mon cheval. » Au cours des siècles suivants, beaucoup d’autres souverains parlent français au quotidien.
L’arrivée massive des réfugiés protestants huguenots à Berlin et dans le Brandebourg sous le règne de Frédéric Ier (18e siècle) suite à l’abrogation de l’Edit de Nantes et à la promulgation de l’Edit de Potsdam contribue à la propagation d’idiomes français : non seulement ces vocables ne relèvent plus seulement de champs lexicaux réservés à l’élite, mais ils atteignent aussi plus rapidement une frange plus large de la population.
Enfin, la langue peut aussi se propager par la force : une partie des mots allemands d’origine française doit son importation aux occupations militaires napoléoniennes au début du 19e siècle et des forces françaises alliées dans la Ruhr après la 2nde Guerre Mondiale. Les soldats apportent avec eux une langue plus familière voire argotique qui s’installe durablement dans l’usage courant.
Notre classement
Ce florilège purement subjectif offre dix exemples de gallicismes dans la langue allemande. En passant les frontières, certains mots ont changé d’orthographe, d’autres de sens.
10. Totschick
Chic à mort ? Mais non, tout simplement tout chic !
9. Turnier
Ce mot communément employé aujourd’hui signifie compétition sportive et tire son origine du vieux français tournelier, qui renvoie aux joutes chevaleresques médiévales, pendant lesquelles l’une des épreuves consistait à faire tourner les chevaux en cercle.
8. Mutterseelenallein
Cet adjectif est très triste et méancolique. Décortiquons-le : Mutter signifie la mère, Seelen l’âme et allein seul. Il décrit une personne en état d’abandon total, et en lisant les mots dans le mot, on pourrait imaginer que sa sensation de détresse est provoquée par l’absence définitive de sa mère et de son âme. Mais non ! Ce sont en réalité les Berlinois qui se sont appropriés le moi tout seul de Huguenots sans doute pris de nostalgie pour leur patrie perdue. Moi tout seul est devenu moi tout seul allein, déformé peu à peu en mutter-seelen-allein. Les mots voyageurs peuvent donner naissance à d’authentiques morceaux de poésie !
7. Bredouille
Connaissez-vous le tric-trac, l’ancêtre du Backgammon ? Ce jeu très répandu dès le 12e siècle a donné à la langue francaise ce très vieil adjectif, déjà employé par Rabelais : jouer bredouille, c’était faire l’adversaire Fanny, le dominer sans le laisser jouer un seul coup. Le terme est ensuite passée dans la langue usuelle : être bredouille, c’était rentrer de la chasse la besace vide. L’allemand l’a transformé en nom et le prononce breudoulyeu : in der Bredouille stecken, c’est être dans l’embarras, la mouise.
Rendez-vous le mois prochain pour découvrir la suite du TOP ! Saurez-vous les deviner d’ici là ? A vos commentaires !
Illustration : Bohemians Paris Of Today – William Chambers Morrow, Edouard Cucuel
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